L’assiette, c’est cet objet banal que l’on côtoie tous les jours sans même y penser. Pourtant, l’assiette est bien plus qu’un simple objet du quotidien. En réalité, elle cache une histoire ancienne, riche en gestes et savoir-faire qui ont traversé les âges et les modes. Nous vous proposons une petite plongée dans le récit de l’évolution de cet incontournable de nos tables.
Des origines antiques et symboliques
Bien avant les assiettes décorées que l’on trouve aujourd’hui sur notre table, dans les magasins de décoration ou chez les artisans, les premières traces d’assiettes remontent à l’Antiquité. Les fouilles archéologiques ont permis d’en retrouver fabriquées dans des matériaux aussi variés que la terre cuite, le bois, le métal ou encore la pâte de verre.
Céramique grecque archaïque représentant un Sphinx, fin de l'époque orientalisante, VIe siècle
Du pain rassis à la porcelaine : les débuts étonnants
En France, nos ancêtres utilisaient des tranchoirs — de simples tranches de pain rassis — pour recevoir les aliments. Au Moyen Âge, ce pain servait de support pour absorber les sauces et les graisses. Une fois le repas terminé, ces tranchoirs imbibés étaient parfois donnés aux plus pauvres ou aux animaux. Les potages, quant à eux, étaient consommés dans des écuelles, souvent en bois ou en métal.
Mais bien avant l’usage de l’assiette individuelle à table, le mot lui-même existait déjà en langue française. À l’origine, le terme "assiette" faisait référence à l’acte de placer quelqu’un à table ou à celui de disposer les plats sur la table. Il pouvait également désigner les différents services d’un repas : une assiette de viande en sauce, une assiette de légumes, etc.
Ce n’est que plus tard que le mot a désigné l’objet que nous connaissons aujourd’hui.
Peu à peu, ces tranchoirs sont remplacés par des plaques de bois, de métal ou même d’argent chez les plus aisés.
(Re)naissance de l’assiette individuelle
C’est à la Renaissance, sous l’influence italienne, que l’assiette individuelle commence à faire son apparition à table. Les premières véritables assiettes, utilisées dans les cours royales dès le XVIe siècle, ne sont toutefois pas encore généralisées. Elles sont rudimentaires, souvent métalliques, mais elles marquent une rupture : on mange désormais dans un objet personnel.
En France, François Ier joue un rôle majeur dans cette évolution. Grand amateur d’art, il commande des assiettes en étain, argent, or et faïence, marquant l’entrée de l’objet dans un univers de prestige et de raffinement.
Nature morte - Pieter Claesz (1597-1661)
Le XVIIe siècle : naissance de l’assiette moderne
À partir du XVIIe siècle, la faïence devient reine sur les tables françaises. Les ateliers de Nevers, Rouen, Moustiers ou Quimper produisent des pièces uniques, souvent décorées à la main, fleurons de l’art de vivre à la française.
Assiette en faïence de Quimper vers 1883-1898
C’est à cette époque qu’apparaît l’assiette telle que nous la connaissons : un support plat, individuel, aux bords relevés, servant de base à tous types d’aliments. Elle devient peu à peu un objet central des services de table.
L’âge d’or de la faïence et de la porcelaine
Sous le règne de Louis XV, la fabrication de la faïence et de la porcelaine se développe grâce aux manufactures. L’assiette se démocratise : elle quitte les tables royales pour s’installer dans les foyers aristocratiques et bourgeois. À cette époque, les assiettes deviennent des objets de distinction sociale. La variété des services (assiettes à soupe, à dessert, etc.), les motifs polychromes et l’ajout d’or en décoration permettent aux familles d’afficher leur statut. On surnomme alors la porcelaine “l’or blanc”.
Du service royal à la table populaire
Puis avec l’industrialisation, au XIXe siècle, les assiettes en faïence ou en porcelaine se généralisent. Elles ne sont plus réservées aux élites. Même dans les campagnes, on sort la belle vaisselle pour les grandes occasions. Les motifs deviennent plus colorés, les formes plus variées, et les décors régionaux s’affirment : fleurs, scènes champêtres, paysages…
Certaines assiettes de cette époque sont aujourd’hui de véritables objets de collection, prisés des amateurs de brocantes et des passionnés de patrimoine.
Soucoupe de la Manufacture nationale de Sèvres - XIXe siècle
L’assiette aujourd’hui : entre tradition et modernité
Le XXe siècle voit une explosion de la diversité des assiettes : formes, couleurs, matériaux (verre, céramique, mélamine, inox, etc.) se multiplient. L’assiette ronde reste la plus commune, mais les designers, artisans et industriels innovent sans cesse pour répondre à de nouvelles modes et envies.
L’assiette jetable fait également son apparition, mais l’engouement pour le "fait main", le "local" et le "durable" redonne aujourd’hui toute sa place à l’artisanat français. Ces produits à usage unique ne répondent plus à nos préoccupations écologiques.
Un objet du quotidien au riche passé
Grande assiette à motif de notre collection Primavera
Ainsi, l’assiette a traversé les époques, des banquets médiévaux aux tables contemporaines, évoluant avec les matériaux et les modes de vie. De simple tranche de pain rassis à pièce d’artisanat en porcelaine fine, elle illustre à merveille l’évolution des pratiques culinaires et sociales. De nombreux céramistes perpétuent aujourd’hui des gestes anciens dans leurs ateliers. À travers eux, l’assiette redevient un objet d’art, porteur d’histoire et d’émotion.
Alors, la prochaine fois que vous dégusterez un plat fait maison dans une belle assiette de faïence, souvenez-vous qu’elle est le fruit d’une longue histoire… et peut-être, le travail d’un artisan passionné.
Article écrit par Mathilde BAGNULS
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